Psykick Lyrikah + Zone Libre

@ l'Epicerie Moderne, Feyzin. 7 Avr. 2011


Lorsqu'un jeudi soir, on me propose d'aller passer la soirée à l'Epicerie Moderne, voir un concert Rock hip hop, Feat. Serge Teyssot-Gay, Ex-Noir Désir, et sa Formation rock radicale Zone Libre, en versus avec deux rappeurs, je me suis dis que j'avais sans doute rien de mieux à faire.
Oui, pour une Epicerie de nuit, celle de Feyzin propose de très bon produits, toujours du frais, et à des prix tout à fait abordables !

Alors c'est partit ! En route en co-voiturage pour rendre visite à notre épicier !
Je sais pas vraiment ce qu'il m'attend, le hip hop n'a jamais été mon rayon, je suis seulement poussé par l'envie de voir un bon spectacle, avec du bon son, une belle scène, et de gros décibels bien équilibrés, du lourd et du dièt à la fois. Et puis il y a cette autre accroche aussi : voir un ex-Noir Dez, qui ne peut pas faire de la mauvaise musique (j'avais déjà écouté Zone libre, genre 20 seconde dans une borne d'écoute, ça m'avait suffit à me faire cette avis : ça claque !)

Mais d'abord, va falloir se farcir la première partie, qui semble-t-il, est davantage hip hop, et merde.

Psykick Lyrikah (ça y est, j'arrive enfin à prononcer !) commence.
C'est de la grosse rythmique hip hop bien lourde qu'on nous envoie, des basses abyssales et des caisses claire qui sonnent comme des giffles, avec la puissance d'un uppercut. C'est violent, ça claque, et c'est bon ! Robert le Magnifique - ici aux machines, scratch et basse - nous envoie ça, et n'arrêtera pas de faire trembler les murs jusqu'à la fin du set. Ses loops sont terriblement efficaces et souvent aventureuses. A aucun moment je ne me lasserais, ni me dirait "oui, tu nous l'a déjà faite celle là ". Il a pas mal d'outils le bonhomme, et chaque morceau va en utiliser des différents. Ici des nappes, là du scratch, ailleurs des synthés bip bip saturés qui arrachent. C'est souvent en fin de morceau qu'il sors la basse pour des explosions rock vénères.
 
Vénèrrre !!! Ce néologisme convient parfaitement au flow de Arm, rappeur-compositeur, et tête du projet. Mais pourquoi est-il si vénèrrrre ? Ce genre de flow n'est vraiment pas mon truc à la base. Arm est tendu, les yeux fermés, statique, c'est une bombe prête à imploser.Toute son énergie est concentré sur l'espace qui sépare sa bouche du micro, qu'il tient d'une poigne d'acier. C'est partit pour une heure de textes auxquels je ne comprend rien. D'abord, je suis rebuté : comment peut-on être aussi sérieux lorsque l'on chante des trucs aussi opaques ? Mais quelque part, je me dis aussi que c'est sans doute moi qui ne comprend rien au hip hop. Je suis bien plus ouvert lorsqu'il s'agit d'autres genres musicaux, d'autres énergies, plus "positives", plus à mon goût. Ce qui sauve mon attention, c'est la musique, terriblement bonne. Je reste, je m'approche du centre stéréophonique. Sur les gradins, qui sont en fait tout près de la scène, je vois tout,  j'ôte les bouchons, j'entends tout. Petit à petit, j'entre dans l'univers qui se joue et prend forme. La musique ne s'ennuie jamais, elle se réinvente à chaque morceau, et pourtant. Il y a quelque chose toujours présent, qui s'incarne dans le flow de Arm, mais qui sous-tend tout le reste. Quelque chose de radical. Ça y est, j'ai le sentiment d'avoir entrevu le cœur du projet, le moteur du processus de création. Ici, rien de tape-à-l’œil, rien de convenu ou de formel. Seulement de l'émotion, deux émotions, deux muses cernées, le teint blafard et ruisselantes de rimmel, voici Colère et Tristesse. Plus qu'une montagne, un massif de colère, infranchissable, et une tristesse dont on ne voit pas le fond.
Jamais je n'irais chercher par moi-même ce genre de musique, mais devant le fait accompli, devant cette mise en oeuvre musicale jusqu'au-boutiste, je restais scotché jusqu'à la fin, où Arm scande bis repetita "je regarde le monde brûler, je regarde le monde disparaître" , noyé dans un magma de guitares saturées (dernier titre, éponyme, du dernier album, "Derrière moi"). Ce sont des images de sciences fiction apocalyptique qui me sont resté en mémoire. Arm chante la fin de tout. L'incendie, et les cendres.

Le troisième musicien apporte énormément au show. Guitariste, Olivier Méllano arbore une magnifique Fender Jaguar, une guitare aux multiples possibilités sonores, et joue de distorsions et pédales loops. Son jeu est inventif, terriblement bien sentit. Il n'est pas là pour faire du style, on n'est pas dans un collage rock Hip-hop. Son jeu puise à la même source d'inspiration, et participe pleinement à la création d'un univers qui s'écroule. Si les rythmique de Robert le Magnifique sont des grues de démolition, les parties guitare de Méllano sont tour à tour l'incendie, qui prend de toute part, et la désolation d'un monde calciné.
A la fin du concert, on était nombreux à redemander.
Arm, timidement, nous propose un "Slow". Ah la bonne blague ! Comment on danse un slow quand on est le seul survivant au milieu d'un océan de décombres ? N'ayant plus rien à détruire, la grue de démolition est rangée. Notre survivor nous livre une ultime complainte amère, accompagné d'une guitare d'abord calme, qui progressivement va lever une tempête de distorsion hallucinante, et finit par recouvrir le flow et toute trace d'harmonie. Ca y est, tout a été détruit, tout ce qui brûle a brûlé, et la tempête a recouvert toute trace de ce qui a pu exister sous un manteau de cendres, noires comme la suie.
Applaudissements. La plus grande partie du public, venue voir Zone Libre vs Casey B. James, est resté jusqu'à la fin de Psykick Lyrikah, et s'est prise une bonne claque, et en a redemandé.
Good Bye Cruel World.

http://www.psykick-lyrikah.com/
http://www.myspace.com/psykicklyrikah

L'album "Derrière Moi" en écoute ici :
http://cd1d.com/fr/album/derriere-moi

Finalement je n'ai plus très envie de parler de Zone Libre.
Allons, vite fait.

Musicalement, techniquement, c'est un cran au dessus. ok
MAIS. Pitain, je me suis ennuyé, pour finir par sortir avant la fin. La fatigue y était pour quelque chose mais pas que.
Le set a commencé sur les chapeaux de roue (avouez que cette expression est étrange, si quelqu'un peut m'expliquer son sens, je suis preneur), et n'a connu aucune baisse de régime. La puissance rock de ZL alliée à l'engagement vocal et scénique de Casey B. James étaient redoutable. OK.
MAIS. Quelque chose ne m'a fondamentalement pas plût. Les 3 gars de Zone libre ne donnaient pas le sentiment d'avoir envie d'être là, sur scène. Aucun regard pour le public, encore moins des mots. Au bout de 20 minutes, Casey & B. James tentent quand même une intervention :  "Au fait, bonsoir, ça va bien ?", tentant de rattraper la froideur des rockeurs. Mais manifestement, c'est Zone Libre qui mène le set, en enchaînant morceau après morceaux sans latence, comme s'ils étaient à un filage, sans public. Ça créait une ambiance pas top, et des moments étranges, comme lorsque Casey, à plusieurs reprises, viens chercher Serges Teyssot-Gay … qui choisit ce moment pour lui tourner le dos !
Finalement, il me semblait que seuls les deux rappeurs avaient envie d'être sur scène et de jouer ensemble. Et ils faisaient plaisir à voir ! J'ai surtout découvert Casey, une râpeuse étonnante, un flow prenant, une présence scénique totale, ultra communicative. Mais elle paraissait  comme dans un carcan avec les ZL, qui ne savent que regarder leurs pieds, tourner le dos au public, et jouer leur partition.
Après le concert, je parlais de tout ça à d'autres spectateurs, venus en connaissance de cause, et qui me disaient aimer cette froideur, cette façon "mentale" de jouer la musique. Pourquoi pas. Je trouve ça dommage. J'aime trop voir un groupe s'amuser sur scène. C'est d'autant plus dommage que leur musique est très bonne; seule leur attitude m'a enlevé l'envie d'aller voir plus loin.
Pour être honnête, la salle était en feu, et on n'était pas nombreux à attendre dehors que ça se finisse.
Finalement il ne me restera pas grand chose de ce concert, la mémoire ayant tendance à être sélective et à ne garder que les bons moments … Si, il me restera le nom de Casey :)

http://www.myspace.com/librezone


Matthieu Wagon.

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